Témoignages de la Shoah
Le 24 Juillet 1944, un mois avant la libération de Paris, la police allemande arrêtait les élèves de l'école Lucien de Hirsch.CENTRE UGIF
71 enfants et 11 maitres étaient déportés et exterminés à Auschwitz Birkenau.
Les enfants
Alzykowicz:Célestine - 12ans,
Algazi Huguette - 14 ans,
Algazy Victor - 16 ans,
Bacry André - 8 ans,
Bacri Claude - 13 ans,
3 COUSINS : enfants de ma tante Guitta Bender née Goldstein
Bender Dora - 8 ans,
Bender Jacques - 12 ans,
Bender Jean - 4 ans
Berkowicz Bernard - 12 ans,
Blumenkranc Lotti - 12 ans
Drzazga Nathan - 13 ans
Eskenazi Albert - 13 ans
Finkelstein Victor - 13 ans
Glicksman Albert - 12 ans
Gliot Adolphe - 9 ans
1 cousin : fils de mon oncle : Wolf Goldstein
Goldstein Bernard - 14 ans
Grinspan David 20 ans
Gruszka Marguerite - 16 ans
Hochberg Henri - 12 ans
Holz David - 13 ans
Jaffe Esther - 17 ans
Jaklimowitch Georges - 8 ans
Kalinsky Estelle - 14 ans
Kass Georges - 7 ans
Kawa Anna - 16 ans
Krajzelman Marcel - 15 ans
Krieger Georgette - 9 ans
Krieger Nina - 8 ans
Krieger Odette - 8 ans
Laks Isidore - 10 ans
Landsmann Fajga - 16 ans
Leibovici Gaston - 13 ans
Nadel Arnold - 12 ans
Pinto Esther - 15 ans
Plevinski Albert - 14 ans
Ratz Léopold - 12 ans
Roza Bernard - 20 ans
Rozmann Suzanne - 7 ans
Rozner Hélène - 17 ans
Schumann Charlotte - 13 ans
Sternchuss Nathan - 13 ans
Suissa David - 7 ans
Suissa Esther - 5 ans
Tabak Joseph - 14 ans
Tasiemka Adolphe - 15 ans Anna - 14 ans
Vainer Léon - 12 ans
Wiesel Justin - 11 ans
Les « encadrant »
Bernas Rosalie - 62 ans
Bloc Fernande - 53 ans
Bloch Paulette - 19 ans
Cahn Denise - 36 ans
Ma tante : Tante aussi des enfants de la famille sur cette liste
Goldstein Tauba - 24 ans
Mechinino Anna - 46 ans
Regenman Esther - 35 ans
Sidelski Marcelle - 39 ans
Zaks Sara - 41 ans
Zalmanski Marie - 39 ans
Zulberstein Syma - 40 ans
MON CAS PERSONNEL
Janine SILBERBERG
J'avais 18 ans.
Cave de la Mairie en attendant l'arrivée de cars. Ensuite, une nuit à la caserne de Saint-Étienne.
Le lendemain, départ dans un wagon ordinaire, encadrés de soldats allemands en armes. Arrivée dans un camp à Drancy : deux jours après, rassemblement dans la cour pour un départ inconnu avec très peu à manger. Sur un quai de gare de marchandises, un train de marchandises ; les gens seront entassés dans ces wagons avec une tinette pour leurs besoins et de la paille par terre. Le train fermé reste en gare dans la chaleur de fin mai et s'ébranle vers le soir ; toujours destination inconnue. A l'intérieur, règne la tristesse et la consternation. Que va-t-il nous arriver ?
Il y a une petite lucarne dans le haut du wagon et de temps en temps quelqu'un se fait hisser pour lire le nom des gares et nous comprenons que la direction est : " l'Est, c'est-à-dire l'Allemagne hitlérienne ".
2 jours et 2 nuits de transport. Wagon ouvert une fois dans une plaine allemande pour vider le seau qui déborde et qui sent très mauvais. On peut descendre sur le ballast, entourés de soldats en armes. Tout le monde remonte et la porte se referme sur les gens. Impossible de s'allonger pour dormir, on est trop nombreux. Il y a beaucoup de scènes de désespoir, les gens ont soif et peur. Quand le convoi s'arrête au troisième matin, le spectacle qu'offre le vasistas est horrible, mais nous n'avons pas le temps de réfléchir, la porte s'ouvre sur nous.
Vision d'apocalypse. Des hommes aux crânes rasés, en pyjama rayé sautent dans le wagon et nous poussent dehors ; n'oubliez pas la hauteur du wagon, il fallait sauter sur le quai, pas le temps de prendre le peu de bagages emportés de Drancy. Des cris, " Rauss, schnell " des S.S. avec des cannes nous poussent, des cris de gens pour rester ensemble. Des vieillards, dans mon wagon, déjà mourants, en sont sortis sans ménagements.
Une odeur de roussi nous prend à la gorge et puis encore, toujours des hurlements, un ordre :
les hommes d'un côté, les femmes d'un autre côté. Pas de temps pour s'embrasser ou se dire adieu, il faut faire vite, vite. Les colonnes se forment, on essaie de faire des signes à nos pères, frères ou maris.
Ma colonne de femmes passe devant un S.S. Il fait un tri, il choisit, mais qui ? pourquoi ? Nous voyons des jeunes mamans avec leur bébé, des vieillards, aussi d'autres femmes mis dans une file à gauche ; des jeunes filles dans une file à droite, à peu près 200 femmes sur le nombre. Tout de suite on nous dirige vers ce qui paraît être un camp.
C'est fini, nous sommes séparées de tous nos êtres chers. Nous essayons de questionner les hommes en rayé et la réponse est : " ils vont dans un camp de repos et vous dans un camp de travail ". A notre droite, une immense cheminée crache du feu et des flammes ! Je ne donnerai pas de détails, ni ne ferai apparaître mes sentiments. Froidement, voilà ce qui suit.
Un bâtiment qui a l'air d'un ensemble de douches. Par ordre alphabétique, nous passons devant des filles bizarres qui nous piquent l'avant-bras gauche à l'encre. C'est un numéro tatoué à jamais. On nous rase de partout. On nous fait déshabiller.
Entièrement nues, méconnaissables à cause de la tête rasée, nous sommes dirigées vers les douches, l'eau coule froide, on boit, on a soif, faim. Toute une journée, nous restons entassées dans cette salle à courant d'air. Des questions, sans réponse.
Vers le soir, apparaissent des femmes qui apportent des vêtements et les distribuent au hasard. Pas de sous-vêtements, une robe et quelque chose pour les pieds, chaussures trop petites ou trop grandes, où sabots de bois, souvent deux chaussures du même pied. Déguisées comme pour Pourim, nous sommes les nouvelles
déportées.
C'était Birkenau Auschwitz en Haute Silésie. Sur le fronton " Arbeit macht Frei ". Très vite, on apprit la vérité sur ce camp. Dans la baraque basse et sombre dans laquelle on nous a menées se trouvaient des châlits superposés à trois hauteurs ; il faisait nuit ; on entendait des bruits, des gémissements, et dans l'obscurité je grimpe avec ma sœur et mon amie sur un châlit du haut où se trouvait une paillasse.
(On n'avait plus rien. Essayez d'imaginer une personne qui vit dans un pays tant soit peu civilisé et qui se trouve démunie de tout).
Nous étions " Juif puant " " stink jude ". On nous répétait : ceci n'est pas un camp de repos mais un camp d'extermination.
A Auschwitz, on mourait beaucoup. On pouvait mourir de faim, de froid, de dysenterie. On pouvait mourir de coups de bâtions. On pouvait mourir à rester des journées entières nues et debout en rangées de cinq pour des appels. On pouvait mourir au travail. On pouvait mourir gazées après une sélection. Auschwitz devait faire 40 km².
Ceux qui ont essayé de s'évader étaient repris même huit jours après leur évasion grâce aux chiens-loups et à l'aide des Polonais de la région ; les SS étaient sûrs de retrouver ceux qui essayaient de s'évader. Il y avait également les marécages ; Et il ne faut pas oublier les numéros tatoués sur le bras, l'état squelettique au bout de quelques jours et les chiffons qui étaient les habits empêchait les déportés de passer inaperçus. Les évadés étaient pendus devant tout le camp réuni en appel.
Je suis partie le 30 octobre en transport après une sélection. Un pain pour quatre et carré de margarine. Par 100 dans un wagon.
Le deuxième camp s'appelle Bergen-Belsen. On nous parque dans de grandes tentes de cirque avec de la paille par terre. Pas de nourriture. La nuit, une tempête a emmené notre tente et on s'est trouvé dehors avec la couverture sur le dos. Le lendemain on nous a mis dans des baraques en bois.
Transport pour un camp de travail : usine d'aviation. Le voyage en février a duré si longtemps que nous avions tous les pieds gelés. Là nous sommes devenus des squelettes vivants et pleins de poux sur tout le corps et dans les vêtements. Beaucoup mouraient du typhus. On les amenait au cimetière dans un cercueil et on ramenait le cercueil vide pour les prochaines.
Transport à l'approche des Alliés : un voyage de quatre jours et quatre nuits sans manger. Beaucoup de mortes quand le train s'est arrêté.
C'était Theresienstadt à côté de Prague. On ne travaillait pas, on continuait à mourir. Libérées par l'Armée Rouge le 10 Mai 1945, cinq jours seulement après l'armistice.
4 juin : retour en France par la Croix-Rouge en avion de transport de troupes. Poids moyen : 35 Kg.
Je ne veux pas faire de sentiments. Mais je suis restée marquée pour la vie et, quand je ferme les yeux
38 ans après, je vous vois là-bas dans ces enfers que personne ne peut imaginer.
Nous savons comment sont morts nos parents. Nous savons aussi que grand nombre de nos bourreaux vivent en paix sans remords et impunis. Où est-elle la justice des hommes ?
Ne dites surtout pas que le peuple allemand ne savait pas ; car ils savaient tous, beaucoup de camps étaient
à proximité des villages et des villes. Les déportés squelettiques passaient en rangs serrés pour aller au travail, et les Allemands étaient dans les rues et rien ne les empêchait de vivre. Les civils allemands travaillaient dans les camps et les soldats qui nous gardaient rentraient en permission. Ne jamais oublier, car l'oubli tuerait une deuxième fois.
A-t-on le droit de pardonner ? Non ! Qui nous donnerait ce droit ?
Janine SILBERBERG Matricule A. 7102.
Voir aussi le témoignage de Claudette Wallerand
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